> Pierre Le Coq
Véliplanchiste, médaillé de bronze des JO de Rio 2016.
Après 7 années de joie, de préparation de colère et finalement 15 jours à accueillir le monde entier il est temps de dresser le bilan des olympiades. Si le président brésilien, Michel Temer, qualifie les JO d’une "réussite absolue", les Cariocas eux restent extrêmement perplexes. Quelles sont selon vous les faiblesses et les forces des JO ?
Pierre Le Coq - Organiser les JO à Rio qui est une ville incroyable, à été la première des forces : l'ambiance festive y est exceptionnelle, les gens sont hyper accueillants et les cérémonies d’ouverture et de fermeture ont été incroyables. La ville a beaucoup à offrir en terme de paysage, de diversité culturelle.
En voile on avait la chance de naviguer à l’intérieur de la baie de Rio surplombée par le pain de sucre, un paysage à couper le souffle qui a rajouté encore plus à la magie des jeux olympiques.
Comme autre force, il y a eu la sécurité. Il y a eu beaucoup d’inquiétudes. Finalement, nous avons été agréablement surpris. Il y avait des militaires un peu partout. On peut enfin y ajouter la diversité des différents sites de compétition. Dans les jeux olympiques, on pense aux stades d’athlétisme mais il y avait aussi plein de stades naturels incroyables pour le canoë, le VTT, la voile.
En ce qui concerne la faiblesse, c’était la circulation parce qu’à Rio, on est obligé de contourner les montagnes. Il n’y a pas forcément de tunnel, de grandes autoroutes et là c’était vraiment une grosse problématique. Pour rallier un site à un autre, cela pouvait prendre 6 heures de route.
Comment avez-vous vécu la pression médiatique lors de votre séjour à Rio et lorsque vous avez obtenu votre médaille ?
Pierre Le Coq - Je crois que j’ai eu de la chance, j’ai relativement été laissé tranquille lors de mes épreuves puisque j’ai très mal démarré. Les médias ne se sont
pas intéressés à moi.
Malgré tout, même étant 8ème , j’étais quand même obligé de passer par un parcours de médias, c’est une des spécificités des JO.
Lorsque l’on rentre à terre avec notre matériel, après avoir rincé notre voile pour éliminer le sel, on doit émarger et répondre aux éventuelles questions des journalistes. Au niveau local, j’ai
en revanche eu beaucoup d’articles.
Par ailleurs, il faut savoir se détacher de ce que disent les journaux, surtout lorsqu’ils se permettent d’écrire des choses blessantes. Il faut également apprendre à parler aux
médias, ne pas être trop sur de soi ou trop affirmatif.
Au retour, j’ai par contre vécu un véritable torrent médiatique, c’était hallucinant ! Le soir où j’ai reçu ma médaille, j’ai passé 4 ou 5 heures à répondre aux questions des journalistes,
je n’ai même pas pu aller voir ma famille.
Certains disent que le JO constituent une sorte de catalyseur national permettant d’atténuer la morosité ambiante et d’adoucir la mélancolie des
Français.
Les JO seraient ils le nouvel opium du peuple, sont-ils capables de soigner tous les maux des français ?
Pierre Le Coq - On vit une période qui est hyper difficile. Les JO réunissent et fédèrent tous les milieux. On se bat tous pour aller chercher la même chose : une médaille. Le sport apporte également des valeurs de respect, d’égalité. Ce serait génial que le sport devienne l’opium du peuple. Il y a encore des efforts à faire mais je pense que ce serait une bonne chose.
Vous avez, je crois, été sponsorisé par Pierre Fabre, Engy et les dentifrices Elgydium, d’après vous est ce que les JO ne sont pas devenus des jeux économiques où les sponsors occupent une place trop importante ?
Pierre Le Coq - Les JO sont sponsorisés par des partenaires, certaines grandes marques : Samsung, Mac Donald, et le sportif comme moi n’a pas du tout le droit d’exposer ses sponsors personnels. Les droits à l’image sont réservés aux sponsors des JO. Je n’avais pas le droit pendant une période de 10 jours avant et après les cérémonies d’ouverture et de fermeture de faire allusion à mes sponsors. Si je les citais je risque une sanction par le Comité Olympique.
Pour revenir à la question, le sportif est mis en avant de la scène ; en s’inscrivant aux JO, on signe une décharge précisant que l'on donne notre image aux partenaires officiels. Effectivement, en tant que sportif notre image est exploitée pour le commerce ; mais voilà c’est aussi le jeu car s’il n’y avait pas tous ces partenaires financiers, il n’y aurait pas certaines infrastructures ; les JO n’existeraient pas non plus. Il faut donc savoir faire la part des choses, mais d’un point de vu personnel en tout cas c’est frustrant de ne pas pouvoir mettre en avant ses propres sponsors.
Face aux injustices, à la violence, à la corruption et à l’usage du sport à des fins politiques, certains athlètes ont décidé de manifester leur indignation en boycottant.
Pensez-vous que le boycott peut prendre en otage les sportifs et le sport en général ?
Pierre Le Coq - Moi je n’ai pas beaucoup d’exemples d’un point de vu personnel dans la voile par contre, il est vrai qu’il y a plusieurs sports sur certaines compétitions qui se sont posés la question du boycott.
Il y a un sujet qui revient assez régulièrement dernièrement : c’est le dopage. Le boycott est une arme redoutable. Il doit être utilisé lorsqu’il y a vraiment des choses graves. Je pense que pour un dopage d’Etat, il serait légitime d’utiliser un boycott. Le pas symbolique de ne pas se présenter sur une compétition c’est ce qu’il y a de pire pour l’organisateur, pour les sponsors.
Dans une compétition comme les JO, on doit se retrouver tous sur le même pied d’égalité ; quand il y a un Etat comme la Russie qui protège les sportifs et qui leur permet via la corruption de se doper là effectivement on est plus du tout dans le même monde. On ne s’aligne plus du tout avec les mêmes armes, c’est inadmissible. En voile, nous avons de la chance parce que nous n’y sommes pas confrontés. Il y a en effet plein de paramètres à prendre en compte au-delà de l’aspect physique; il faut aussi raisonner. Lorsqu’il y aura un dopage cérébral qui nous permettra de mieux réfléchir, d’aller chercher les bonnes risées et d’analyser le plan d’eau, il faudra alors se poser des questions.
Et vous, seriez-vous prêt à boycotter les Jeux Olympique si les droits de l’Homme n’étaient pas respectés, comme à Pékin ?
Pierre Le Coq - Par rapport aux JO de Rio, c’est vrai qu’il y a eu des problèmes notamment dans la construction du village : la population locale a été maltraitée, peu ou pas payée. Toutefois, un boycott s’organise de manière collective. Personnellement je serais prêt à boycotter une épreuve si il y avait vraiment des faits graves car ce sont des épreuves qui se veulent solidaires, réunificatrices et égalitaires.
En 2009, l’un des arguments de Rio pour devenir la ville hôte des JO avait été la promesse de dépolluer la baie à 80 %.
Est-ce que cette promesse a été tenue ? Avez-vous été confronté à la pollution dans la baie ?
Pierre Le Coq - Nous avons en effet été très sensibles en voile à ce sujet. La ville de Rio a une forte densité de population, des bidonvilles monstrueux : les favelas, et un système de régulation des déchets totalement obsolète. De plus, les ¾ de la population jettent leurs déchets dans la baie. A l’endroit où nous naviguions, des bateaux poubelles circulaient pour ramasser les détritus, ce qui a été assez efficace pendant les compétitions. Parallèlement, un barrage filtrant a été installé où se déroulaient les épreuves de voile. Néanmoins, il a beaucoup plu dans les semaines qui ont précédé les épreuves. Le barrage s’est donc trouvé totalement saturé et a craqué 3 jours avant le début des épreuves.
En ce qui me concerne, j’ai eu une très mauvaise expérience dont je me souviendrai longtemps. Un sac poubelle s’est coincé sous mon aileron, me pénalisant énormément.
Certes les autorités Brésiliennes ont fait le maximum mais la promesse qu’elles avaient faite était bien trop ambitieuse. Lorsque l'on navigue dans une baie aussi paradisiaque, et que l’on voit ce que l’homme a fait, c’est désolant...
Dans un interview à l’homme tendance vous disiez qu'"une médaille olympique c’est l’apogée de la carrière de tout athlète". Cela signifie t-il que vous allez maintenant vous consacrer à vos études en dentaire comme Franck David le 1er véliplanchiste Français champion olympique en 1992, qui avait décidé d’abandonner la voile pour se consacrer à ses études ?
Pierre Le Coq - Lorsque j’ai décidé de participer aux JO, je m’étais dit que je n’allais le faire qu’une seule fois. Cela représente en effet de nombreux sacrifices, et implique énormément de personnes : ma famille, mes amis et ma copine. Le problème c’est qu’un sportif n’est jamais satisfait de ce qu’il a et en veut toujours plus. J’ai vécu un moment incroyable que j’ai envie de revivre. Je suis encore jeune, je possède toutes les capacités physiques : je n’ai pas du tout l’impression d’être arrivé à l’apogée de mon sport.
Franck David, a lui remporté une médaille d’or en 1992 : le graal. Etre médaillé d’or est un rêve que je souhaite réaliser, c’est pourquoi je veux repartir à Tokyo sans pour autant délaisser le
dentaire.
Mener de front les études et le sport n’a pas toujours été facile, j’ai même pensé que cela était un handicap. Finalement, cela a vraiment été une force. La planche à voile est un sport
dont il est difficile de vivre, alors avoir quelque chose à coté permet non seulement de se vider la tête mais aussi de s’assurer un avenir, un salaire. C’est un super équilibre !
Gaëlle Houeto, Clémence Le Vay. Tous droits réservés.
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Faustine (mercredi, 08 février 2017 13:16)
Félicitation, grâce à vous les JO n'ont plus aucun secret pour moi! Tous derrière la candidature de Paris!
Amélie (mercredi, 10 octobre 2018 23:30)
Bon travail
Agnès (samedi, 17 novembre 2018 21:55)
Site très intéressant !